L’ACADEMIE LUXEMBOURGEOISE, Société royale
La note ci-dessous, datée de 2014, présente une synthèse relative à l’Académie luxembourgeoise et à ses activités. Elle s’appuie sur les travaux de Marcel Bourguignon, de Roger Brucher et de Pierre Hannick. L’article de ce dernier peut être consulté en ouvrant le lien au bas de cette synthèse.
Signalons également un ouvrage de Jean-Pierre Vander Straeten (Traces de vie, 2022) « L’Académie luxembourgeoise (1934-2019), rédigé à partir des Cahiers de l’Académie, et un article de Jean-Marie YANTE (2022) » L’Académie luxembourgeoise, à Arlon, unique académie provinciale belge » dans les Mémoires CCIe année – Série VII – Tome XXXIV de l’Académie nationale des Sciences, Arts et Lettres de Metz.
Sur la dénomination
Le nom d’Académie vient de la dénomination d’un jardin d’Athènes où Platon institua son école de philosophie, vers 387 avant J.C. Les orateurs qui y prenaient la parole furent appelés « Académiciens ».
Tout le monde connaît l’Académie française, fondée par Richelieu en 1635. Elle comprend 40 membres. Son rôle est double. D’une part elle veille sur la langue française en élaborant son dictionnaire ainsi qu’en en édictant des recommandations sur la pratique de la langue et la terminologie. D’autre part elle accomplit des actes de mécénat, grâce aux dons et legs qui lui sont faits, en décernant des prix, en accordant des subventions, en octroyant des bourses, essentiellement dans le domaine linguistique et littéraire.
Mais existent aussi des Académies de Sciences et des Académies des Beaux-Arts. En Belgique, on retrouve l’Académie royale des Lettres, des Sciences et des Beaux-Arts, dont l’origine se situe pendant la période autrichienne. Et aussi l’Académie de langue et de littérature française de Belgique, fondée en 1920, constituée de 26 écrivains et de 14 philologues, dont 30 Belges et 10 étrangers.
Des Académies régionales comme la nôtre existent en France, par exemple l’Académie de Metz ou l’Académie Stanislas de Nancy.
En tout état de cause, ce sont des sociétés dites savantes, dont les membres, en nombre restreint, sont élus et restent membres à vie. Elles n’ont rien à voir avec les nombreuses académies de musique et de beaux-arts, qui sont des institutions spécialisées d’enseignement artistique.
L’origine de l’Académie Luxembourgeoise
Elle est fondée en 1934, sous statut d’asbl, à l’initiative d’une femme, l’épouse du gouverneur de l’époque, Madame van den Corput, d’origine française, née Fernande du Toict, personne extrêmement cultivée. Les van den Corput possédaient en Luxembourg une résidence : le château d’Assenois. Le projet fut soutenu dès le début par quelques personnalités majeures de la région arlonaise telles Pierre Nothomb, Jean-Lucien Hollenfelz, Paul Reuter.
Les statuts de l’époque explicitent clairement la raison sociale et les objectifs de la nouvelle Académie. Je cite :
L’AL est une réunion d’artistes, d’écrivains et d’érudits de nationalité belge appartenant par leur naissance, leur résidence ou leurs travaux à la province de Luxembourg. Son siège est à Arlon.
Elle a pour but de créer entre ses membres une collaboration amicale, d’encourager des initiatives, de susciter ou de consacrer des talents, de récompenser des mérites ou des travaux, de favoriser tout ce qui peut contribuer à une meilleure connaissance et à l’honneur de la province de Luxembourg.
Les membres se recrutent par cooptation. Ils sont au nombre maximum de 39. L’Académie nomme des membres correspondants étrangers.
Les statuts actuels de l’Académie, tels que modifiés en 2005, en conformité avec la nouvelle législation, précisent que celle-ci a pour objet :
… de favoriser l’épanouissement des arts, des lettres et des sciences dans la province de Luxembourg. Créant entre ses membres une collaboration amicale, elle entend susciter ou consacrer des talents, récompenser des mérites, favoriser tout ce qui peut contribuer à une meilleure connaissance du passé et du présent ou au développement futur de cette province.
On remarque dans la version initiale que l’identité luxembourgeoise est fortement cultivée et valorisée ; trois catégories de membres effectifs apparaissent : artistes, écrivains, érudits ; un nombre maximum (39) de membres effectifs et un système d’élection sont fixés. La nomination de membres correspondants, belges ou hors pays, est prévue.
Dans la version actuelle, l’accent est mis sur la promotion culturelle en province, à la fois artistique, littéraire et scientifique, avec un intérêt prononcé pour l’histoire. Les membres correspondants n’existent plus. Les membres effectifs sont toujours un maximum de 39, cooptés au suffrage secret. Les membres démissionnaires peuvent être reconnus comme membre honoraires.
L’Académie luxembourgeoise a reçu l’autorisation de porter le titre de société royale le 19 octobre 1984.
Les membres de l’Académie Luxembourgeoise
Avant-guerre
Le couple van den Corput fait partie de l’Académie dès l’origine, mais c’est Madame qui deviendra la première présidente et le restera jusqu’à sa mort en 1946. Parmi les hommes de lettres renommés, je citerai : Pierre Nothomb, Edouard Ned, Martial Lekeux, Francis André, Adrien de Prémorel ; des professeurs de l’athénée qui deviendront professeurs d’université : les frères Van Dooren, Arsène Soreil, Charles De Trooz ; l’orateur jésuite Théo Hénusse. Parmi les artistes, on retrouve des peintres renommés : Marie Howet, Camille Barthélémy, Albert Raty ; des musiciens : Henri Lince, Albert Zimmer, Camille Jacquemin. Dans la catégorie des érudits, il y a des historiens d’envergure : Alfred Bertrang, Marcel Bourguignon, Jules Vannerus, Louis Hissette et des personnalités polyvalentes comme Paul Reuter ou Jean-Lucien Hollenfelz.
Après-guerre
Quelques personnalités de grand renom ont rejoint l’Académie, entre autres : l’organiste, compositeur, directeur de Conservatoire Camille Schmit ; l’actrice et membre de la Comédie française Madeleine Ozeray ; le romancier et critique littéraire Hubert Juin ; l’historien jésuite Camille Joset ; le fondateur du Musée gaumais Edmond Fouss ; les artistes-peintres Guillaume Edeline, Roger Greisch et Lucien Maringer; l’économiste ancien gouverneur de la province de Luxembourg Jacques Planchard.
Aujourd’hui
La répartition des membres selon leur discipline est aujourd’hui plus difficile à préciser, et certains rentrent moins commodément dans les catégories de jadis. On peut cependant distinguer les tenants des lettres : des romanciers tels Armel Job et des poètes tels André Schmitz, Francis Chenot ; des auteurs polyvalents comme Julien Bestgen, Claude Raucy , Paul Mathieu, Guy Denis, Georges Jacquemin, Patrick Mc Guinness ; deux linguistes : Michel Francard et Michèle Lenoble-Pinson, un spécialiste de bibliothéconomie : Roger Brucher. Les historiens sont aujourd’hui plus nombreux qu’à l’origine : citons Pierre Hannick, André Matthys, Constantin Chariot, Jean-Marie Triffaux, Jean-Marie Duvosquel, Jean-Marie Yante. La catégorie des artistes est fort nombreuse en ce qui concerne les plasticiens : Huguette Liégeois, Pierre Chariot, Guy Ducaté, Suzanne Dufoing, René Lejeune dit Willoos, Blandy Mathieu, Jean Morette, Fernand Tomasi (également écrivain), Pierre-Alain Gillet, Dominique Collignon. Par contre, les musiciens ne sont que deux : Camille Bodson et Benoît Mernier. On trouve enfin des tenants de disciplines qui n’étaient pas présentes comme telles aux origines : Marie-Claire Clausse est femme de théâtre ; Jean-Claude Servais est auteur de bandes dessinées ; Michèle Garant est psycho-sociologue et Louis Goffin sociologue ; Gauthier Louppe est luthier et Claude Feltz urbaniste ; Jean-Pierre Lambot et Philippe Greisch sont responsables culturels; Cécile Bolly est spécialiste de l’éthique médicale (également naturaliste et photographe).
En 80 ans d’existence, l’Académie a connu 143 membres.
Fonctionnement
L’Académie est gérée par un conseil d’administration dont font partie le président et le vice-président, élus pour 5 ans et rééligibles, résidant dans la province, le secrétaire perpétuel et 4 membres élus. Comme dans toute asbl, il y a des réunions en assemblée générale (2/an) et des réunions du CA (4 au moins/an). Le siège social est à Arlon, dans un local de la bibliothèque mis à disposition par la Commune d’Arlon. Les AG se tiennent soit à Arlon, soit en décentralisation dans une autre commune.
La stature du président est importante tant pour la visibilité externe de l’Académie que pour son dynamisme et son fonctionnement interne. Depuis 1934, Il y a eu en effet à ce poste 9 fortes personnalités : Adrienne Van den Corput-du Toict (1934-1946) ; son mari le gouverneur Fernand Van de Corput (1946-1948) ; Pierre Nothomb (1948-1966) ; Adrien de Prémorel (1966-1968) ; Philippe d’Otreppe (1968-1973) ; Adelin Vermer (1974-1977) ; Jean Mergeai (1977-1981) ; Georges Christophe (1981-1996) ; Jean Mergeai (1996-2002) ; Marie-Claire Clausse (2002-2013); Guy Denis (2013-).
Les 6 secrétaires perpétuels qui se sont succédé sont aussi des personnalités marquantes : Pierre de Gerlache, Marcel Bourguignon, Roger Petit, Claude Raucy, Pierre Hannick, et depuis 2013 Paul Mathieu.
Les sources de financement de l’Académie sont de trois ordres : un subside annuel de la Province (2400 €) ; le revenu éventuel des publications ; des dons et legs (par exemple une maison à Witry, léguée par l’abbé Enclin, vendue 335.000 FB en 1989).
L’Académie possède un fonds de bibliothèque de près de 300 ouvrages, en dépôt à la bibliothèque communale d’Arlon.
Activités
Outre les collaborations et patronages divers, cinq types d’activités concernent principalement des initiatives de l’Académie et intéressent en principe le public :
- Lors des AG, le public est parfois invité à assister à des exposés ou communications sur divers sujets. A titre d’exemples, lors des dix dernières années, on citera : Louis Goffin: une histoire de fer et d’acier ; Armel Job : l’art du roman ; Michel Francard : les universités francophones face au défi du tout à l’anglais ; Jean Morette : l’art contemporain ; Laurent Fels : le double ésotérisme de Saint-John Perse ; René Lejeune : l’œuvre de Marie Howet ; Gauthier Louppe : le travail de luthier ; Claude Feltz : l’architecture rurale traditionnelle dans le construit des Trois frontières ; Denis Henrottay : découvertes archéologiques dans la région d’Arlon ; Philippe Greisch : Pierre Nothomb et Morménil ; Jean-Pierre Lambot : L’Ardenne et sa forêt ; Guy Denis : le régionalisme en littérature; Jean-Marie Triffaux : la région d’Arlon dans les événements de 1839; Georges Jacquemin : l’écrivain Claude Simon; Patrick McGuinness : littérature et mémoire.
- Les expositions de peintures et sculptures étaient annuelles avant et dans l’après- guerre et servaient également à faire connaître l’Académie. Elles avaient lieu soit à Arlon (Auditorium du musée archéologique, Palais provincial, Mess des officiers Crédit communal), soit dans une autre ville de la Province. En 1964 et 1965 des expositions ont été organisées dans la grande salle de l’Athénée royal d’Arlon. Depuis la fin des années 1970, on compte quatre expositions importantes : en 1980, au Hall polyvalent d’Arlon, pour les 150 ans de la Belgique : 150 ans d’artistes de la province de Luxembourg ; en 1986, à la Maison de la Culture d’Arlon, une exposition d’artistes membres de l’Académie, artistes invités et écrivains, Arts contemporains et littérature dans la province de Luxembourg, qui fut l’objet d’une publication ; en 2006, à la Maison de la Culture d’Arlon : Peintres et sculpteurs de l’Académie Luxembourgeoise et leurs invités ; en 2014, une exposition itinérante à la Maison de la Culture d’Arlon, au Palais abbatial de Saint-Hubert et à la Vieille Cense à Marloie 80e anniversaire, 1934-2014, objet également d’une publication.
- Quelques colloques ont marqué aussi l’histoire de l’Académie. Nous citerons les plus récents : Culture et recherche-développement (1994) ; La personnalité et l’œuvre de Pierre Nothomb (2004) ; La personnalité et l’œuvre de Jean Mergeai (2008).
- L’Académie peut décerner des Prix. Elle ne l’a pas fait souvent. Les bénéficiaires ne sont que cinq. En littérature : Guy Denis (1977) et Lucien Guissart (1982). En peinture : Roger Courtois (1977). En sciences naturelles : Georges Parent, pour ses travaux d’écologie sur la Lorraine belge (1974) ; En sciences sociales : Louis Goffin, pour ses travaux sur les sidérurgistes du Sud-Luxembourg (1978). L’Académie participe annuellement au jury du Godefroid culturel ainsi qu’au jury du Prix Pierre Nothomb.
- Les Publications ont toujours été une activité importante de l’Académie. Dans un premier temps ce furent des cahiers offrant des mélanges d’articles à caractère historique et littéraire ainsi que des évocations d’artistes et de leurs œuvres. Bon nombre de ces articles étaient dus à des Académiciens. On signalera la publication en 1978 d’une Anthologie des Poètes français du Luxembourg belge, de 1930 à nos jours, préparée et rédigée par Roger Brucher, avec en appendice deux dossiers dialectaux, l’un sur la poésie gaumaise et wallonne d’Ardenne, par Albert Yande, l’autre sur les poètes de langue luxembourgeoise par Nicolas Bach. Depuis une dizaine d’années, les cahiers de l’Académie sont consacrés aux diverses sous-régions de la Province, pour faire mieux faire connaître leur histoire, leurs parlers, leurs coutumes et pour mettre en évidence leurs artistes, leurs écrivains, leurs scientifiques. Ont successivement paru : Au pays de Virton (2000) ; Du côté de la Famenne (2001) ; A travers l’Ardenne (2002) ; Au pays d’Arlon (2004) ; Au pays du fer, de l’eau et de la fumée (2005) ; Au fil de la Semois (2009). En 2008, un cahier spécial a présenté les actes des colloques dédiés à Pierre Nothomb et Jean Mergeai. En 2011 un cahier a présenté La vie musicale dans la province de Luxembourg, sous la direction de Louis Goffin et Benoît Mernier. En 2013 un cahier a été consacré à Edmond Dunne et autres regards sur les Luxembourg, et en 2014 le Cahier n°26 a été consacré aux 80 ans de l’Académie.
80 ans de l’Académie luxembourgeoise
Article de Pierre Hannick paru dans Les Cahiers de l’Académie luxembourgeoise n°26, 2014. Hannick_80 ans de l’Académie luxembourgeoise